Comment, d’un moment unique, capter ses odeurs et ses saveurs, comment le garder intact et éternel, vivant et intense ; un cliché se doit à mes yeux d’être cette matière mouvante qui métamorphose, transporte dans le temps et réveille l’humanité de l’instant disparu, mais toujours vivant au plus profond de nous.

Comment transmettre à nos semblables, ceux que l’on connaît et ceux que l’on ne connaît pas, la même acuité sensorielle et émotionnelle, comment partager l’universalité de notre condition, comment faire resurgir en chacun des souvenirs enfouis, qu’ils soient similaires ou différents ; autrement dit, penser la photographie comme une palette aux mille sens qui ait suffisamment de force et d’attraction pour faire éprouver à celui qui n’a pas vécu la scène des impressions et sentiments de même nature.

La photographie a cela de magique qu’elle garde intacte l’émotion d’un moment unique, parce qu’elle ressuscite ce qui semble à jamais perdu, mais qui peut être retrouvé au dedans de tout Homme.

Tel est l’Art du photographe, celui que je défends, ce en quoi je crois : saisir l’intériorité d’une scène, quelle qu’elle soit.

Guillaume Estève, janvier 2011.